[Intimement confinés #16] "Charabia". Vannina Barselo
Savoir lui dire, le podcast - Un podcast de Emilie Soulez

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6 mai 2020. En plein confinement face au COVID19, un texte écrit et lu par Vannina Barselo, lycéenne, la plus jeune de nos invités dans ce podcast. CHARABIA "J’écoute en boucles le silence d’un monde autrefois bruyant puis je bois la musique, du matin au soir. Je me nourris de mille mélodies et je dessine des mots sur des pages blanches, sans raison. Des mots qui ne veulent rien dire. Je les accorde et je fais des phrases. Je réfléchis, je recommence, tous les jours. Un désordre permanent dans ma tête, un langage incompréhensible, un charabia. Je ne comprends pas. Tu ne comprends pas, ce que je raconte, pourquoi ? Difficile de comprendre un monde arrêté. Difficile de faire face. Difficile de te dire que je t’aime parce que oui je t’aime et tu l’oublies peut-être. Je t’aime. Deux mots, qui manquent, parfois. On aime, sans savoir, alors on ne dit rien, comme si c’était suffisant. Mensonge. Toi aussi tu m’aimes, peut-être. On ne se le dit pas. Personne ne le dit. Personne n’ose dire quelque chose, dans ce monde endormi. La peur. La peur de dire. La peur des mots. Les nôtres, et ceux des autres. La peur ambulante ; celle qui nous ronge de l’intérieur jusqu’aux derniers instants d’éveil. La peur. Difficile de faire face. Difficile d’affronter le monde craintif. Un monde dominé par le vide, nommé roi en ces temps, comme pour effrayer les êtres. Je l’ai regardé, moi aussi, et j’ai vu le silence se poser sur ses lèvres inexistantes. Fascinée par une telle transparence, je n’ai rien su dire, moi non plus. Alors j’ai chanté, des paroles, pour essayer de comprendre, le monde. Est-il vraiment possible de comprendre le monde, à 16 ans ou à tout âge ? Peux-tu seulement songer à ce micro-organisme auquel la Terre entière est en ces jours réduite ? Pendant que tu essaies de déchiffrer mes paroles, j’attends que quelqu’un, vienne enfin ouvrir la porte. En attendant, je continue de réfléchir et de te raconter n’importe quoi. Je continue d’argumenter mon charabia. Mes mots n’ont sans doute pas de sens mais ils existent, et font ainsi obstacle à ce vide, ce rien du tout, dans lequel nous somme plongés. Raconte-moi, dis-moi, chante moi quelque chose. Montre moi que je ne suis pas seule dans ma cage à réfléchir. Quelques soient tes paroles, montre moi que tu existes encore, et que nous sommes tous ensemble, face à la peur qui finira vaincue, un jour, peut-être. Même dans l’incertitude, on a toujours de quoi créer, de quoi inventer, de quoi dire, écrire ou chanter. Dis moi que tu m’aimes, que tu es là ; je ne te demande qu’un signe. Quelque chose. Montre moi ton art, ou simplement ton âme. Et même si je ne peux pas te prendre la main, sache que je suis avec toi. Vannina Barselo