L’industrie, une arme géopolitique au XXIe siècle ?
La Pause géopolitique - Un podcast de Anne Battistoni - Les jeudis
Il fut un temps pas si lointain, la fin du XXe siècle, où l’on envisageait sereinement l’avènement de sociétés post-industrielles, où la diminution spectaculaire des emplois industriels dans nos sociétés occidentales nous semblait inévitable et peu dommageable. C’était un signe de modernité alors que nous vivions de plus en plus dans une société de services. Certes, il s’agissait d’une désindustrialisation relative, car la valeur de l’industrie mondiale a doublé entre 1980 et 2005. Mais les emplois partaient ailleurs : entre 2000 et 2004 par exemple, La Chine gagnait 7 millions d’emplois industriels, l’OCDE, les économies développés occidentales en perdaient le même nombre. Il y avait clairement des gagnants et des perdants en termes d’emplois, mais la baisse des prix des produits industriels laissait à penser que tout le monde s’y retrouvait. Cette thématique d’un monde post-industriel laissait croire à la fin de l’industrie. Quelle erreur dommageable ! Ce temps n’est plus. On définit classiquement l’industrie comme l’ensemble des activités économiques qui ont pour objet la production d’énergie et de produits manufacturés, qu’il s’agisse de produits semi-finis ou de biens de consommation. De plus en plus la séparation entre activités industrielles et de services n’est pas facile à opérer et devient artificielle. C’est ce qui explique le jugement de Pierre Veltz en 2017 dans « la société hyper-industrielle » « En réalité nous ne vivons pas la fin de l’industrie mais l’accouchement d’une nouvelle forme de société industrielle très différente de la forme dominante du siècle passé... Je l’appelle Hyper industrielle pour marquer à la fois sa nouveauté et la continuité avec l’histoire longue de l’industrialisation… L’industrie manufacturière, les services, les entreprises du numérique font désormais partie d’un même ensemble, et sont de plus en plus étroitement imbriqués. » Le slogan en vigueur aujourd’hui est celui de la réindustrialisation, en France, comme aux Etats-Unis, ou de l’industrialisation dans les pays du Sud. L’industrie en dépit de ce que l’on avait pu penser est bien le nerf de la guerre de l’économie, de l’emploi mais aussi et c’est un constat plus nouveau de la puissance. C’est une question qui concerne au premier chef l’Europe qui est prise en étau entre l’essor des puissances émergentes et la volonté de réindustrialisation US marquée par l’ inflation réduction act de l’administration Biden en 2022. Cependant pour l’automobile comme pour d’autres exemples, il est clair que la compétition entre puissances est réelle. La Chine est considérée comme la première puissance industrielle mondiale depuis 2010. La domination chinoise sur l’industrie mondiale est-elle pour autant déjà actée et définitive ?