La démographie mondiale : le temps des déséquilibres ?
La Pause géopolitique - Un podcast de Anne Battistoni - Les jeudis
L’anthropologue Claude Levi-Strauss, décédé en 2009, déclarait en 2005 : « La question qui domine véritablement ma pensée depuis longtemps et de plus en plus, c’est que quand je suis né, il y avait un milliard et demi d’habitants sur la terre ; quand je suis entré dans la vie active…il y en avait deux milliards, ; et maintenant il y a six milliards et il y en aura 8 ou 9 dans quelques années. Eh bien à mes yeux, c’est çà le problème fondamental de l’avenir de l’humanité, et je ne peux pas avoir d’espoir pour un monde trop plein ». Faut-il partager ce pessimisme ? Il y a d’emblée deux manières d’appréhender l’évolution démographique. Soit l’on prend en compte l’évolution en valeur absolue et effectivement le milliard d’humains supplémentaires en 11 ans inquiète, soit l’on regarde la croissance relative (mesurée en %) et l’on constate une décélération remarquable. Elle était au plus fort dans les années 1960 (plus de 2 % par an) ; ce taux ne cesse de diminuer depuis pour atteindre en 2022 1 % . Bref, si la terre gagne encore environ 240 000 hab. supplémentaires par an, le gros de la croissance démographique est derrière nous. La division de la population de l’ONU est la principale source d’information statistique, elle produit des scénarios pour le futur avec des estimations basses, médianes ou hautes. Il y a peu de marge d’erreur d’ici à 2050 car la majorité des hommes et des femmes qui vivront sont déjà nés et l’on peut prévoir assez bien leurs comportements ; prédire l’évolution ensuite est plus difficile. Les chiffres que je vous donne dans ce podcast proviennent des statistiques onusiennes et également de l’Institut national des études démographiques (INED) et concernent les années 2021 ou 2022. Dans leurs dernières prévisions médianes, les démographes des Nations Unies estiment que le pic de population sera atteint vers 2080, avec environ 10, 4 mds d’hab. ce qui, d’une certaine manière, ne fait « que » deux milliards de plus en un bon demi-siècle…D’autres instituts font des projections un peu différentes, comme l’institut viennois (IIASA) qui prévoit au maximum 9, 8 mds en 2070/80 selon leur scénario médian. Bref, retenons qu’au XXIe siècle, la population mondiale va connaître son pic à 10 milliards ou un peu moins et aura commencé sans doute à décroître à la fin du siècle. Mais ce n’est pas le seul bouleversement à attendre : l’urbanisation est l’autre fait marquant avec l’essor des mégapoles. Si 13 % de la population était urbaine en 1900, 1/3 en 1960, nous sommes désormais plus urbains que ruraux à plus de 55 %. Enfin les migrations seront affectées par cette croissance, même s' il y a moins de migrants dans le monde aujourd’hui en proportion qu’en 1900, fait trop peu connu…