#103 Claire Escoute · Recul stratégique en Guadeloupe
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🌊 Reculer face aux vagues Face à la montée des risques sur le littoral, l’idée de l’ouvrage insubmersible ne tient plus. Dans certains secteurs, il va falloir laisser la place aux vagues. C’est le « recul stratégique » dont parlent nombre de Powerpoints, mais qui reste un concept théorique dans la plupart des territoires. Pourtant certains se frottent au réel, c’est le cas de l’agence des 50 pas géométriques de Guadeloupe. Le littoral y est déjà soumis à des risques naturels importants sans même attendre les impacts du réchauffement climatique. À Petit-Bourg par exemple, le péril est imminent, avec une falaise qui s’effondre et menace plusieurs dizaines de maisons. Il a pourtant fallu plus de dix ans de travail pour déplacer vers l’intérieur des terres une trentaine de ménages, et l’opération n’est pas encore achevée. C’est un travail long et complexe, car fondamentalement humain. Les enjeux juridiques et financiers sont finalement limités, les questions techniques largement maîtrisables, mais comment inciter ces ménages qui vivent avec le risque depuis longtemps à quitter leur maison de famille et la vue sur mer ? Il faut prendre le temps du dialogue malgré l’imminence du péril, et déployer un vrai savoir-faire pour aligner les regards de chacun, faire prendre conscience du risque, trouver des solutions de relogement et imaginer un devenir au site qui fasse consensus avec ceux qui partent comme ceux qui restent. Mais s’il y a beaucoup à apprendre de cette expérience, émerge aussi l’idée que chaque territoire devra trouver sa voie propre pour engager le recul stratégique. Si on quitte la Guadeloupe pour élargir le regard aux littoraux menacés, on constate que si les enjeux juridiques et financiers ne sont pas anecdotiques, ils masquent aussi d’autres aspects structurants. D’abord, une mauvaise volonté légitime à quitter des lieux fortement générateurs d’attachements. Ensuite, une forme d’optimisme béat sur l’horizon temporel du risque, qui se reflète dans la valorisation financière importante de biens immobiliers pourtant menacés à court terme. Et enfin, le refus de beaucoup d’élus d’endosser le rôle du porteur de mauvaise nouvelle, et il faut bien faire le constat qu’il n’y a rien à gagner à forcer des gens à déménager. Impossible de renoncer à traiter les périls imminents, mais il va nous falloir aussi assumer qu’il n’y aura pas de retrait massif planifié avant que la vague ne touche le littoral, au propre comme au figuré. Il faut accepter que le facteur humain soit au cœur du processus, la trajectoire sera donc chaotique et parsemée de crises, l’important étant désormais de n’en gâcher aucune. Il faut s’y préparer, en anticipant les plans de l’après comme en ouvrant des espaces de débat démocratique locaux sur nos vulnérabilités, pour que la catastrophe devienne le signal attendu du mouvement et l’occasion d’une accélération de l’adaptation. Je vous laisse écouter cette semaine le retour d’expérience de Claire Escoute, qui nous raconte le travail réalisé par l’Agence des 50 pas géométriques de la Guadeloupe à Petit-Bourg. — Sylvain Grisot Pour aller plus loin : L’Agence des 50 pas géométrique de Guadeloupe : https://www.50pasguadeloupe.fr https://www.youtube.com/watch?v=SXoz8HPZ-PU